Les Ephémérides sur le blog d'Alain Mabanckou
Stéphanie Hochet, Apocalypse now
Stéphanie Hochet, une des plumes singulières de la nouvelle génération de la littérature française nous
revient avec un huitième roman, Les Ephémérides, publié dans une nouvelle collection de fiction que lancent les éditions Rivages. Comme à son accoutumée – je pense à La
distribution des lumières où l’auteure abordait la question de l’adolescence à la dérive dans une banlieue en perte de repères – Hochet a toujours embrassé des sujets « dérangeants », avec
une maîtrise de la narration et une puissance dans l’incarnation des personnages qui font de ses fictions des moments de lecture inoubliables. On pourrait reconnaître indéniablement à cette
romancière son souci de s’éloigner d’une littérature nombriliste au profit d’un univers éclaté aussi bien dans le destin des protagonistes que dans les lieux où se passent les récits. De ce
fait, Les Ephémérides ne s’écarte pas de cette vision. On peut lire ce roman comme la chronique d’une apocalypse annoncée et dont la date fatidique prévue par Londres est le 21 mars,
jour du printemps. Dans ce climat d’avant la fin du monde, nous allons alors à la rencontre de plusieurs personnages. Tara et sa compagne Patty vivent en Ecosse. Elles dressent des « Dogs »,
ces chiens très dangereux, et recherchent, par le croisement des espèces, la race parfaite.
Parallèlement, lorsque tombe la nuit, en livrant ses charmes dans un club du coin, Tara en profite pour soutirer des
informations précieuses auprès de sa clientèle. La vie de ces deux femmes semble donc bien réglée mais la réapparition d’Alice, Française, une « ex » de Tara, perturbe le cours des choses. Et
puis, à Londres, il y a ce Simon Black, un peintre qu’on aurait dit sorti tout droit de La Carte et le territoire de Michel Houellebecq. L’artiste apprend qu’il
souffre d’un cancer et que ses jours comptés. Qu’aura-t-il désormais à perdre, puisque condamné ? Il ne sera plus le même, et ses agissements deviendront de plus en plus surprenants. En cette
période précédant l’Apocalypse qui oserait parler de « normalité » dans les comportements des individus ? Enfin, il y a Sophie – la sœur d’Alice – et Bernard, un couple vivant à Paris avec leur
fille Ludivine. Sophie envoie sa fille vivre en Ecosse chez sa sœur Alice. Un enchevêtrement de personnages qui, on le sent, pousse peu à peu au confinement et à l’explosion au fur et mesure
que s’approche la date butoir du 21 mars. Un roman original qui montre que la vraie Apocalypse est peut-être celle de la détérioration des rapports entre les êtres.
Par Alain Mabanckou.
Lu et Approuvé (14)
Article également publié dans le magazine Jeune Afrique.
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