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Stéphanie Hochet, le blog officiel

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Les Éphémérides selon l'écrivain italien Claudio Morandini

Publié par Stéphanie Hochet sur 15 Mars 2012, 10:13am

Catégories : #Les Éphémérides

ERCOLEDÌ 14 MARZO 2012

Sintonie: Stéphanie Hochet, "Les éphémérides"
Ci provo, a scrivere questo pezzo direttamente in francese: sono impaziente di riordinare le idee sul più recente romanzo di Stéphanie Hochet, romanzo che mi ha intrigato particolarmente e che, se è costruito attorno a certi "fantasmi" cari all'autrice, contiene anche degli elementi di novità che voglio provare a evidenziare.

Ce qui surprend le plus, dans le dernier roman de Stéphanie Hochet, «Les éphémérides» (Rivages, 2012), c’est l’attention réservée à une gamme de sentiments qu’on n’était pas habitué à reconnaître dans la production littéraire de l’auteur française. Oui, Stéphanie Hochet a exploré toujours en profondeur la complexité du monde intérieur des personnages, les pulsions destructrices ou prévaricatrices, la tension montante dans les relations ; mais, plus encore que dans l’avant-dernier roman, « La distribution des lumières », ici on voit des individus à la recherche d’une dimension affective, on les voit s’abandonner l’un à l’autre, rechercher obstinément de la confiance et se découvrir nécessiteux d’amour. Cette considération ne vaut pas seulement pour le peintre Simon Black, qui tombe amoureux de la chanteuse Ecuador, mais aussi, par exemple, pour les clients du club sadomaso dans lequel Tara, la voix principale du roman, travaille la nuit ; et elle vaut aussi pour Tara, à l’égard de son amie française Alice, et pour tout le monde à l’égard du personnage le plus surprenant et prodigieux du livre, la petite Ludivine, une présence on ne sait pas si christologique ou démoniaque (si différente de Embrun, la protagoniste de «L’apocalypse selon Embrun», mais inquiétante au même niveau). Ce besoin d’amour, ce désir de se faire combler d’amour par les autres, que Hochet décrit magnifiquement à travers les regards, les pensées, les pulsions des corps, les gestes inattendus, semble tempérer le sens de souffrance, la douleur que la vie provoque aux êtres humains simplement parce qu’ils vivent. Surtout, cet amour solidaire va donner du sens à l’existence, un sens pas illusoire mais en quelque sorte définitif, car c’est la réponse (pas la seule réponse, mais la plus solide et la plus cohérente) à l’Annonce d’une fin traumatique du monde, ou au moins de l’Occident. On affronte mieux la fin du monde si quelqu’un est à votre côté, vous aide et vous aime. Ce besoin d’amour surprend les personnages, les rend inquiets mais finalement leur permet de sortir d’une dimension égotique et de se découvrir différents de ceux qu’ils croyaient être.

C’est l’Annonce d’une fin de l’Occident qui va provoquer dans les personnages cette nécessité de contact, va accélérer ce désir de protection. La fin du monde si prochaine a comme premier effet celui d’une inattendue, aiguë perception du temps : on mesure les jours, les heures, les secondes, on prend peu à peu confiance avec l’idée d’un arrêt définitif, on goûte enfin chaque instant avec une conscience nouvelle. La fin de tout ne provoque pas seulement des réactions si positives : la plupart des gens s’abandonnent à des actes vandaliques, entrent dans une vertige de rébellion destructive, tandis que les gouvernements prennent des décisions ambiguës, en tout cas inefficaces. Tout cela à mon avis n’a pas trop d’importance dans la structure du roman, il n’est qu’un prétexte, il ne donne que quelques taches de couleur sombre, il suscite quelques réminiscences cinématographiques. Pour ce roman, l’aspect le plus important de ce mystérieux cataclysme demeure dans l’effet sur le sentiment du temps des personnages, sur leur conscience de soi-même. Tout comme la maladie, cette catastrophe les oblige à considérer à nouveau leur vie, les priorités qu’ils se sont données, l’insuffisance de leur autonomie par rapport aux autres. Pensez à un des personnages le plus intéressants, ce peintre nommé Simon Black qui, tombé malade de cancer, se découvre libéré (guéri) de son mal inexorable par l’urgence du cataclysme, récupère un plaisir de vivre, découvre finalement la tendresse après avoir pratiqué sur soi-même et sur ses sujets la cruauté du regard et de la mise en scène. J’ai lu dans ce roman non la narration d’une agonie collective, mais la description d’un attachement à la vie qui intègre et éclaire notre côté sombre sans l’effacer. 
Certes, il y a toujours une certaine fascination de l’obscur : le répertoire de tortures stylisées dans le club sadomaso, le racisme de Tara, la brutalité des Dogs (les super-chiens que Tara et Patty dressent pour les transformer dans la seule espèce qui survivra à la catastrophe), la machine pour hurler de Simon Black, ses tableaux aussi, qui sont une directe filiation des œuvres de Francis Bacon, la violence incontrôlée qui se manifeste dans les rues, les villes et les campagnes. Mais à côté de ces pages cruelles il y a le reste, l’exploration attentive et courageuse des sentiments, le sens de l’attente d’une épiphanie ou tout simplement de la fin de tout, la recherche d’un sens possible, en tout cas laïc, à la vie et à la mort. J’ai déjà vu ce regard scrutateur, apparemment impitoyable mais en réalité profondément honnête, qui révèle, cachée derrière la prédilection pour les détails inconfessables et les monstruosités du corps ou de l’esprit, une espèce d’humanisme qui, ne nous épargnant rien des misères humaines, manifeste une sorte de compassion dans l’effort de comprendre: c’est le regard de la photographe Diane Arbus, sa capacité de révéler l’humanité sans alibis à travers une implacable « distribution » des ombres et des lumières sur la scène.

En érigeant son roman polyphonique, Stéphanie Hochet joue avec la variété des registres, imite les voix avec leurs automatismes, compose un autre brillant essai de soliloques que s’interposant composent une harmonie très contemporaine (en tout cas moins âpre que celle de «La distribution des lumières»). Et comme «Le combat de l’amour et de la faim», ce roman est aussi un exploration de l’espace, dans ce cas des paysages vastes et sauvages de l’Ecosse, qu’Hochet décrit avec un lyrisme inquiet et presque romantique, et qui s’alternent avec des intérieurs toujours un peu suffocants. Enfin, on note que Stéphanie Hochet a rendu encore plus sobre son style, a tempéré le recours aux ressources de la poésie et aux clins d’oeil littéraires, a limité la richesse de son surprenant lexique. Ses personnages, pris par la nécessité d’une inédite sincérité, semblent à la recherche aussi d’une simplicité linguistique.
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